Primo Levi

Mercredi 22 février 2017
de 19h à 21h
à l’Espace Martin Luther King
27 boulevard Louis Blanc à Montpellier
Tram ligne 1 , arrêt Corum

Une présentation de Claudéric

Au fil de l’écriture de Primo Lévi
Primo Lévi, né en 1919, docteur en chimie, est arrêté le 13 décembre 1943 par la milice fasciste alors qu’il appartient à un petit groupe de jeunes partisans inexpérimentés, et transféré pour 2 mois au camp d’internement de Fossoli près de Modène; avec 650 personnes du camp de Fossoli il est déporté le 22 février 1944 à Auschwitz, dans 12 wagons à bestiaux; de ces 650 juifs italiens, une vingtaine reviendra; assigné au camp de Monowitz, un camp auxiliaire d’Auschwitz, il passera 11 mois dans ce camp de travail qui construit une usine de caoutchouc, la Buna, qui ne fonctionnera jamais; il attribue sa survie à un enchaînement de circonstances, dont le fait d’être chimiste, qui lui a permis de travailler au bout de quelques mois au laboratoire de l’usine, à quelques liens de fraternité qui l’ont sauvé, et à une scarlatine qui le maintiendra à l’infirmerie au moment où le camp est vidé et où les allemands, en hâte, organisent une évacuation qui sera une marche de la mort; le camp, déjà déserté par les allemands, sera libéré par les russes de l’Armée Rouge le 25 janvier 1945. Primo Lévi racontera son histoire dès son retour dans le livre « sé questo è un uomo », refusé en 1947 par Enaudi qui l’éditera finalement en 1958, dans une édition révisée, et c’est un éditeur amateur, Franco Antonicelli, (Edition De Silva), ardent antifasciste, qui accepte son manuscrit, édité en 1947 à 2500 exemplaires et vendu à 1500.

Primo Lévi ne regagnera pas Turin tout de suite après la libération du camp par les Russes, mais au terme d’un long périple en compagnie d’autres prisonniers italiens à travers toute l’Europe centrale; ce voyage, relaté dans « la Trégua » (1963), accompagné par lArmée Rouge dans le plus grand désordre, fait cohabiter des prisonniers libérés de toutes sortes, héros et traîtres, paysans et savants, voleurs et sans abris; à travers son écriture sobre, son récit vif nous livre une pensée forte et personnalité infiniment attachante, que l’on ne peut dissocier de ce que son expérience a construite.

Plus tard, en 1986, il publiera, entre autres oeuvres, « sommersi e salvati », qui revient, 40 ans après Auschwitz, sur son expérience concentrationnaire en explorant analytiquement les différentes positions présentes dans cette expérience extrême; avec recul, et avec une approche philosophique, il tente d’explorer la « zone grise » de la collaboration, à minima et à maxima, sans pour autant sortir d’une pacifique bienveillance à l’égard des êtres humains; lui qui avait souffert de perdre sa compassion au cours de son année concentrationnaire, il en est rempli pour les êtres humains lorsqu’il écrit ce qui sera son dernier essai. Il mourra le 11/04/1987, date anniversaire de la libération du camp de Buchenwald. 
 
L’écriture de Primo Lévi est d’abord témoignage; elle est une invitation à penser, à tourner le dos au pathos et à l’émotion, pour poser sans cesse la question de ce qu’est l’humain, et comment sauver l’humain, fût-ce dans des conditions extrêmes; à aucun moment il n’utilise la vindicte ni le sentimentalisme; son rapport aux mots, au texte, à la pensée élèvent l’être humain pour le sauver de la tentation d’être une bête, et du fond de la corvée de soupe dans le Lager, il invoque le vers de l’enfer de Dante(chant XXVI) »…non a viver come bruti, ma per seguir virtute e conoscenza.. » 

Cette invitation de Primo Lévi à la connaissance nous conduira à faire le lien avec d’autres écritures, d’autres expériences et nous appellerons: 

-Charlotte Delbo, française, née en 1913 en Région Parisienne; alors qu’elle est la secrétaire de Louis Jouvet, militante communiste, elle est arrêtée en mars 1942, fichée « nuit et brouillard » et déportée en janvier 1943 à l’âge de 25 ans à Auchwitz Birkenau, avec le triangle rouge des prisonniers politiques; elle estime avoir survécu grâce aux poèmes qu’elle passe beaucoup de temps à se remémorer et les textes de théâtre qu’elle reconstitue; envoyée à Ravensbrück en janvier 1944, elle réussit à y organiser des représentations théâtrales; son camp sera libéré par la Croix Rouge le 23 avril 1945; elle sera rapatriée en France par la suède deux mois après.
En opposition à Adorno, qui pense qu’aucune poésie n’est possible après Auschwitz, elle défendra la poésie et l’écriture, et écrira « si la poésie de sert pas à faire ressentir Auschwitz, celle-ci alors est inutile ». Elle est morte en 1985. 

-Imre Kertesz, Hongrois, né en 1929 à Budapest dans une modeste famille juive; il est déporté en 1944 à l’âge de 15 ans d’abord a Auschwitz puis à Buchenwald et il racontera sobrement son retour en 1945; son oeuvre interroge le rapport au bien et au mal, et sa définition de la vie sera synonyme de création: « transformer la matière la plus abjecte de l’humain en quelque chose de fortifiant, d’éclairant, et d’intemporel, la littérature » ; il sera journaliste puis écrivain; il se présentait comme quelqu’un qui: « du nazisme au stalinisme, aurait accumulé suffisamment de savoir intime sur la dictature  » pour la traduire en une expérience créatrice; Imre kertesz s’est fixé de « briser de l’intérieur les limites de la langue », car pour lui la notion de liberté rejoint celle du langage.

-Jorge Semprun, espagnol, né en 1923, étudiant en philosophie à la Sorbonne qui avait rejoint les FTP-MOI, arrêté en septembre 1943 et déporté à Buchenwald où il restera jusqu’en avril 1945; ce camp sera libéré par les troupes américaines du Général Patton; Jorge Semprun doit sa survie au fait que, militant communiste, il a été pris en charge par l’organisation communiste clandestine et efficace à l’intérieur du camp et a été affecté à l’organisation du travail, ce qui lui sera au retour de la guerre, reproché,bien qu’il ne soit pas entré toutefois dans la catégorie des détenus privilégiés (prominenten); pour le compte du PCE, il est chargé de l’organisation des activités culturelles pour les espagnols; à son retour, la vie civile est très difficile pour lui, et, pour renaître à la vie, il tente l’écriture, ce qui le fait se sentir en danger; il choisit « l’amnésie volontaire », pendant près de 20 ans; « je me débattais pour survivre, j’échouais dans ma tentative de dire la mort pour la réduire au silence; j’ai décidé d’abandonner l’écriture pour choisir la vie »; en 1994, il publiera « l’écriture ou la vie », qu’il commencera à écrire le jour anniversaire de la libération de son camp et le jour de la mort de Primo Lévi.  

Et nous lirons de nombreux extraits…, 
Claudéric

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